mercredi 31 août 2011

Il était une fois - Chapitre 6


Ils s’emparèrent de la boule de chaleur. A peine eurent-ils posé la main sur elle que tout se mit à tourbillonner, les images se télescopaient, les paysages changeaient de forme, celui du lac aux tréfonds sans fond se dissipait, laissant place à un panorama maritime paisible.  L’eau glaciale se transformait en océan turquoise bordé d’arbres côtiers ; il faisait bon y plonger. Le soleil enveloppait nos trois amis de ses rayons enjoués, orangés, rangées du haut de leur sphère, atmosphère détendue et conviviale, tellement loin d’être triviale après leurs mésaventures, la verdure les accueillait des ses milles attraits. Ils s’assirent au creux d’un arbre, et la luminosité de fin de journée flamboyait à travers la ramure de verdure, éclairant des endroits habituellement plongés dans la solitude. En effet, l’inclinaison de l’astre solaire faisait que des creux se trouvaient illuminés en début de soirée. La lumière projetait son bien-être sur ce et ceux qui l’entouraient. Cette luminosité en creux réchauffait les parties gelées de leur être. Comme les endroits naturels en excavation, des parties de leur êtres restaient sombre et mélancoliques. Ainsi, de sentir la luminosité les inonder apaisait leurs souffrances. Chacun a en lui une parte d’ombre et une part de luminosité ; ce qui compte est celle qu’on décide de transcrire dans ses actes, pacte solennel.

Et nos trois compagnons avaient choisi, nous le savons, la part de lumière. En retrouvant cette boule de chaleur, ils avaient détruit une part de l’âme de Transvivant. Ils avaient détruit le lac aux tréfonds sans fond. Seulement il en restait encore d’autres. Sans doute deux autres. Parce qu’il avait fallu à Transvivant trois générations pour anéantir toute intériorité, toute pensée émotive. Trois morceaux d’âme arrachés pour éviter de ressentir les choses. Trois meurtres de génération pour anéantir toute pulsoyance.

Petit Dom, Harry et Hermione se regardaient avec contentement. Ils avaient réussi cette effroyable mission. Ils décidèrent de prendre un peu de bon temps avant de s’engouffrer dans la deuxième béance rance. Il fallait qu’ils redonnent de la force à leur animal de pouvoir. Ils burent de la potion roborative, trinquèrent à la mal-santé de Transvivant, et s’entraînèrent dans un fou rire communicatif. Ils riaient tellement qu’on ne voyait plus le début ni la fin de l’éclat, les voix se mêlaient, les souffles hoquetaient en rythmes déployés, leurs corps ployés par l’ivresse de vivre se balançaient dans une lancée sans animosité, toute  morosité quittant leurs regards vifs et clairvoyants, riant du clair hirsute dans la hutte. Cette joie généralisée leur redonnaient un espace de vie.

En effet, Transvivant cherchait à tout prix à forclore la vie. Ils mettaient ses proies sur le fil, funambule dans sa bulle. Le fil entre la vie et la mort. Rien n’échappait à la règle, le drame était imminent tout le temps. Tout reflétait la mort, tout rappelait sans cesse que la vie tue. L’illusion du familier, ce voile qui vous entoure et protège un espace de vie qui fait que l’on s’épanouit, était déchiquetée. Le Réel absolu flagellait de ses tentacules la moindre once de vie. Par exemple, Petit Dom ne pouvait faire un pas sans que la pensée qu’il allait mourir, que ceux qu’ils aimaient alors être tués, qu’un drame imminent se préparait, ne lui taraude l’esprit, sans que cette pensée ne s’impose si fortement dans sa tête qu’il en devenait absurde de l’écarter et de ne pas la craindre. Ainsi, tout devenait une épreuve, le moindre mouvement menaçait de tout faire basculer. Transvivant rodait dans chaque souffle, dans chaque infime mouvement.

La mort n’était pas en soi le fait le plus terrible malgré sa toute-puissance. Ce qui était effroyable était la séparation. La « sait-pas-ration » saisit la ration de vie, on ne sait plus quelle est la ration qui mène à la vie. Rationner la vie, voilà ce que Transvivant menait comme combat. La vie le dégoûtait ; il avait tellement souffert qu’il haïssait cette vie émotionnelle. « Cépage-ration », sur la page le rat de la mort explose les sillons de l’être, la vigne se tarit, la séparation guette sa proie. Ne plus laisser le moindre doute sur l’absolue solitude qui, jusqu’à la moelle, s’insinue. La séparation c’est ce qui arrache des bouts de corps. La séparation est ce qui dissocie de l’être les sillons.

Petit Dom, Harry et Hermione étaient tout à leur réflexion quand le vent se leva. Le souffle de Transvivant. La nature même semblait changée. Les images du paysage étaient les mêmes, mais leur quintessence était transformée. La moindre châtaigne tombant du ciel saigne de leurs veines. Vaines tergiversations, la mort se rappelait de partout. La moindre feuille tombant au sol signifiait la mort. Signes par milliers d’une hécatombe mortuaire. Ce qu’ils trouvaient magnifiques quelques secondes auparavant devenait effrayant.

Le paysage ne changeait pas en apparence, mais son essence devenait lourde et oppressante. Soudain ils aperçurent des ombres qui rôdaient, qui hantaient les alentours. Tour à tour ils se regardèrent et ne purent voir leurs regards respectifs tant les ombres s’y reflétaient. Quand ils essayèrent de parler, la brume glaciale des ombres stoppa leurs paroles ; ou plutôt leurs paroles furent happées par la brume glaciale, comme engluées dans les milles et uns méandres de la nébulosité. Ils tentèrent de se toucher, pour ne pas perdre le contact avec les autres ; il sembla d’abord qu’ils réussirent ; cependant, ils s’aperçurent prestement que le contact resta froid et insensible. Et en effet, une fine couche de brume les enveloppait et empêchait tout contact chaleureux et humain entre eux. Ils étaient séparés par les ombres, engloutis dans des excavations brouillardeuses, isolés absolument…

Les ombres sombres se mouvaient dans un silence figé, un de ces silences qui vous liquéfie jusqu’aux os. Ose ! se disaient les trois amis. Mais rien ne voulait sortir de ce silence glacé, morbide, à-vide. C’était une béance rance qui s’ouvrait autour d’eux. Un trou de ver qui déformait l’espace et le temps, faisant apparaître des spectres des générations passées. Parce que les ombres étaient en réalité des fantômes au dômes incertains. Ceux-ci avaient eu une blessure durant leur vie, une blessure tellement importante, qu’ils n’avaient pas pu quitter la Terre. Et plus précisément Transvivant ravivait cette blessure et se délectait de ces souffrances. Il les empêchaient de partir. Ainsi, les spectres cherchaient à se brancher sur les vivants dans la transgénérationnel pour assouvir leur soif de vie, de réconfort. Ils transvivaient à travers les vivants, cherchant désespérément un soulagement à leur blessure béante, bé-hante.

Petit Dom, Harry et Hermione se faisaient littéralement happés par les spectres. Toute leur substance vitale se voyait sustenter les ombres. Chacun était éperdument seul. Ils n’arrivaient plus à contacter de souvenirs heureux. Il semblait que les fantômes s’en nourrissaient, ne laissant plus qu’un sentiment de mort, et pire, de séparation. Les trois amis s’enfonçaient de plus en plus dans le marasme, des spasmes leur étreignant le corps en dé-corps. Le sang se figeait dans cette brume glacée. Le cœur ne battait plus qu’à un rythme très lent. L’an de la souffrance était déclaré.

Petit Dom tenta de penser à des souvenirs heureux, mais rien n’y faisait. C’est alors qu’un oiseau de pouvoir, un phénix pour être précis, jaillit dans le ciel brumeux. De le voir donna un soubresaut d’espoir à nos trois compagnons. Les ombres reculèrent alors de quelques mètres, suffisamment pour que les trois amis se ressaisissent. Les ombres furent attirées vers le phénix. On voyait son pelage perdre de ses couleurs, ses plumes tomber, son chant devenir lugubre… Il se faisait happer par les spectres. Les trois amis eurent à peine le temps de se prendre la main pour fuir que les ombres finissait  de tuer le phénix. Au moment où ils transplanèrent, ils virent le phénix renaître de ses cendres et s’envoler bien loin du monde des ombres.

Les ombres les poursuivaient dans une course effrénée. Alors ils pensèrent à des souvenirs heureux, à leur amitié. Une lumière jaillit de leurs baguettes, et forma une boule de vie. Ils l’attrapèrent prestement….   

dimanche 28 août 2011

Rediffusion du documentaire "Un monde sans fous ?" le samedi 27 août 2011 à 12h25 sur France 5

Rediffusion du documentaire "Un monde sans fous ?" le samedi 27 août 2011 à 12h25 sur France 5

France 5 rediffuse le documentaire "Un monde sans fous ?" le samedi 27 août 2011 à 12h25.
Pour ceux qui ne veulent pas attendre le 27 août ou qui l'auront raté, le documentaire est visionnable gratuitement dans sa version longue sur la page du site de Mediapart sur le documentaire "un monde sans fous ?".
Page du documentaire sur le site de France 5.
Lien vers communiqué de presse en pdf par l'éditeur/diffuseur du film.
Premier article de mediapart sur ce documentaire.
Le documentaire est ou a été dans les cinémas Utopia et vous pouvez acheter sur une clé USB le film dans DRM pour 5 € infos pratiques et renseignements. C'est intéressant si vous voulez une sauvegarde ou n'avez pas l'ADSL.
Article publié sur schizophrenies.wordpress.com lors de la première diffusion du documentaire.

mercredi 10 août 2011

Il était une fois - Chapitre 5


Au petit matin, ils se levèrent encore abasourdis de leurs visions de la veille. Le feu animait ses braises au milieu de la tente, et laissait assez de chaleur afin de faire chauffer le lait pour le petit déjeuner. Ils se régalèrent de tranches de pain de mie qu’ils trempèrent dans la boisson roborative. Une mission les attendait ; ils devraient plonger dans le lac pour récupérer la boule de chaleur volée par Transvivant. Cette boule était fragile et délicate. Elle avait la grosseur d’une bille et pouvait se trouver n’importe où dans le lac aux tréfonds infinis. Autant dire chercher une aiguille dans une botte de foin. Pourtant ils étaient plein de courage et d’espoir. Il s’agissait de redonner de la chaleur au monde, pour retrouver une anse de sens à laquelle se raccrocher, une once de vie en catimini. Ils sortirent le grimoire et relurent la recette de la potion amphibie. Celle-ci leur donnerait pendant deux heures des branchies pour pouvoir s’aventurer dans les tréfonds sans fond du lac.

Pour la préparer, il fallait une patte de lièvre pour la rapidité, du lait de chèvre pour l’agilité, des écailles de poisson pour les branchies, une plume de phénix pour la longévité _cet animal renaissant de ses cendres_, et des poils de licorne pour la pureté d’esprit. Heureusement, Hermione avait tout préparé avant de quitter le placard à chaussures ; elle avait pris soin de tout ranger dans le sac à extension indétectable. Ils mirent environ une heure pour la préparer et la faire cuir dans le chaudron en fonte, forger à la flamme de dragon (il existait en effet d’autres dragons plus ordinaires qu’Asprasse, des dragons de feu et non de gel).

Après avoir défait le campement, voilà nos trois héros prêt à ingurgiter la potion pour plonger vers une destinée pour la moins hasardeuse. La première gorgée ne produisit aucun effet. Cependant, à peine avaient-ils humecté leurs lèvres de la seconde goulée qu’une violente quinte de toux s’empara d’eux. Leurs poumons se rétractaient, ils suffoquaient, aux prises à l’air ambiant. Harry eut la rapidité, l’esprit assez vif pour pousser ses compagnons dans l’eau lugubre malgré que bleutée de glace, avant de se jeter lui-même, sans nul autre pareil. Au contact de l’eau leurs branchies nouvellement installées se détendirent et leur apportèrent l’oxygène tant convoité.

C’est alors qu’une nuée de petits poissons, dont il ne fallait pas négliger la potentielle dangerosité en ne se fiant qu’à leur taille, fondit sur eux, crocs acérés. Le banc avait pris la forme d’une gueule énorme et béante, désirant par-dessus tout happer ce qui se présentait. Petit Dom, Harry et Hermione ne prirent pas une seconde pour lancer le sortilège du fileus, et un filet argenté sorti directement de leur baguette, bloquant dans ses mailles serrées, les milliers de poissons aux crocs acérés.

Il nagèrent alors de plus en plus vite pour fuir à tout prix la gueule béante qui hantait encore leurs esprits. C’est alors que des tourbillons les emportèrent vers les tréfonds sans fond. L’eau glissait, giclait, s’endiablait, des volutes d’eau sombre les oppressaient de plus en plus, leurs branchies inondées ne pouvaient plus filtrer l’eau qui se densifiait tel un mur, telle une pâte informe et âpre, des geysers de glace jaillissaient des tourbillons et leur tranchaient la chaire, celle-ci laissant s’échapper des chapelets de sang coagulé, l’eau se transformait en un ennemi opaque et fourbe.

Ce n’est qu’au bout de quelques longues minutes qu’ils réussirent à se dépêtrer de ce tourbillon salé, sal et sournois. Sourds, noyés de milles et une goulées, leur goût les avaient quitter, plus aucun désir ne les animait encore dans l’intérieur de leur for. Ils étaient anéantis, mais avaient eu un soubresaut d’énergie pour lancer le sortilège bulboa, se retrouvant ainsi dans une bulle, insensibles aux atrocités ambiantes.

Ils étaient tous trois dans la même bulle, respirant le même oxygène, ballotés de-ci de-là. Des sourds murmures leurs arrivaient, un battement de cœur pulsoyait à l’unisson, la luminosité était assez rougeoyante pour dénoter avec le bleuté glacial environnant la bulle. Les lambeaux de chaire gisant après l’épreuve du geyser se fondirent les unes dans les autres, dans une régénérescence optimale. Ils sentirent leurs corps rétrécir et n’en former plus qu’un. Dans la douceur  de leur tanière embullée, ils renaissaient à eux-mêmes, puisant les uns dans les autres la force de vouloir revenir à la vie. Parce qu’avec ces évènements atroces, ils avaient perdu l’espoir d’un sens à la vie, et pour renaître il leur fallait une bonne de courage. Des nuées argentées voletaient autour de la bulle. Leurs trois animaux de pouvoir étaient là et protégeaient, de leurs corps, la bulle de renaissance. Ils scintillaient de milles éclats et redonnaient foi. Peu à peu Petit Dom, Harry et Hermione revinrent à la vie. La bulle continuaient de scintiller.

Arriver à leur taille réelle, la bulle commença à se dissiper progressivement. Il s’armèrent alors de leurs baguettes, prêts à toute éventualité. Les animaux de pouvoir n’avaient pas encore disparu et continuaient à les protéger de leur lueur argentée. Quand tout eu disparu, ils s’apprêtaient à devoir renouveler une expérience douloureuse, mais rien ne vint. Ils étaient encore sous le choc, mais tout restait au plus calme. Ils nagèrent un moment relativement long sans rencontrer de problèmes dans les eaux troubles du lac. Une heure était déjà passée sur les deux heures qu’ils disposaient avec leurs branchies. Le temps commençaient à compter.

C’est alors qu’ils aperçurent au loin la boule de chaleur. Elle brillait tellement fort qu’on aurait dit un phare dans la nuit la plus sombre. Mais devant eux s’élevait une forteresse gigantesque ; des sirènes nageaient en arabesques, portant des fourches aiguisées au plus près. Elles étaient répugnantes avec leurs yeux globuleux, leurs cheveux de paille, leurs cisailles à la place des mains, leurs habits de satin déchirés, leurs oreilles pointues, leur peau craquelée… Elles ne semblaient pas encore les avoir repérés. Mais un courant d’eau gelée les amenèrent au plus près de la forteresse. Alors un cri strident se répercuta dans les flots. Ce cri sifflait et se répercutait dans les tympans, les faisant vibrer de milles et une secousses, tremblement de chaire, tectonique des plaques de la sphère interne, terne et insupportable bruit, même à leur insu. Petit Dom, Harry et Hermione se bouchèrent les oreilles tant qu’ils purent, mais rien n’y faisait, l’ondulation sonore venait les percuter de plein fouet.

Plus le son entrait en eux, plus leurs corps se mettaient à vibrer, le temps se liquéfiait et l’espace ondoyait. En quelques sortes, l’espace-temps devenait aussi fluctuant qu’un nuage dans  le ciel, cotonneux, un véritable piège quand on le prend pour un siège. Siéger sur un nuage n’est qu’un leurre auquel les humains aspirent, au moins autant qu’à leur tirelire. Bref, l’espace-temps s’étirait et se rétractait à sa guise, ne laissant plus aucun repères à nos trois compères. L’ondulation sonore se faufilait jusqu’à la moindre de leur cellule, les faisant imploser sous le choc, comme de vulgaire breloque. Le cri était tel celui d’un bébé qui hurle à la mort.

C’était sous ordre de Transvivant que les sirènes s’exécutaient. En faisant imploser chacune des cellules, elles rendait Petit Dom, Harry et Hermione aussi vides que lui. C’est alors qu’Asprasse attaquait, dans des nuées glacées. Il rugissait de joie, et ce rugissement s’ajoutait au cri strident des sirènes. Mais nos trois héros maintenaient le cap, envers et contre tout. Evidés de moitié, ils continuaient à nager vers la forteresse. A leur grande surprise, les sirènes ne pouvaient pas les toucher. Tant que leur esprit d’amitié restait, ils étaient protégés.

A peine eurent-ils posés un pied dans la forteresse que le cri strident se tut. Il était temps parce que leurs cellules avaient été presque toutes atteintes. Une porte s’élevait devant eux, grande, majestueuse, incrustée de milles et une pierres sombres. Cette porte résista à leurs vains essais pour l’ouvrir. Cependant des milliers de clés barbotaient de-ci de-là. Harry comprit bien vite ce qui les attendait : un ballet aquatique pour pouvoir récupérer celle qu’il leur fallait. Ils l’avaient déjà repérée ; c’était une grosse clé ancienne et rouillée, incrustée du signe de la mort. Ils se concertèrent un moment et décidèrent que ça serait Harry qui devrait se lancer à la recherche de la clé.

Harry scruta l’eau sombre, et ayant visualisé la clé, il se lança dans une nage frénétique vers elle. Mais à peine s’était-il mis en mouvement que les clés se mirent à s’agiter en tout sens, puis à se lancer à sa poursuite, leurs encoches devenues tranchantes et meurtrières. Harry nagea de gauche à droite, esquivant les plus gros calibres. La grosse clé ancienne était à quelques centimètres de lui. Il accéléra sa nage, d’un coup de pied dans les flots glacés. Il étira son bras, et dans un à coup sans douleur, il attrapa la clé tant convoitée. Cependant les autres clés continuaient à évoluer, assassines, atour de lui. Alors il lança la clé à Hermione et Petit Dom. Ceux-ci ouvrirent la mystérieuse porte, et dans un ultime coup de palme, Harry s’infiltra de l’autre côté. A peine eurent-ils fermé la porte derrière eux que l’assaut ténébreux des clés tranchantes vint se terminer cloué dans la porte. Ils l’avaient échappé belle !

Ils eurent à peine le temps de reprendre leur souffle qu’un courant glacial les enveloppa. Lorsqu’ils relevèrent la tête un poulpe immense s’imposa à leur regard. Il était gigantesque et visqueux. Il faisait des bruits de succions, engloutissant des tonnes d’eau à chaque inspiration. Tout tourna de plus en plus vite, l’eau se mit à jaillir, les muscles de nos trois compagnons se raidissaient à une vitesse astronomique pour résister au courant tourbillonnant des tréfonds sans fond. Mais rien n’y fit, l’aspiration était tellement grande, tellement brutale qu’ils furent engloutis avant d’avoir le temps de prononcer un seul sortilège. Ils se cognèrent les uns dans les autres, mais pas seulement, ils percutèrent aussi les parois flasques du poulpe géant. Plus ils se cognaient plus ils devenaient flasques eux-mêmes.

Quand la trombe d’eau finit de tourbillonner, quand le mollusque céphalopode referma sa grande béance buccale, quand les tentacules arrêtèrent de s’agiter en tout sens, l’intérieur du poulpe devint plus calme. Les trois amis reprirent peu à peu leurs esprits. Ils étaient plein de mucus collant, plein de morve de poulpe. Cependant, ils étaient relativement en forme. Une lueur leur chauffait le dos, atteignant leurs cœurs, apaisant toute tension, redonnant une vague d’espoir et de vie. Ils se retournèrent lentement, sentant la paix s’installer dans chaque cellule de leur être, en union avec la vie, dans une harmonie enjouée, dans un crescendo musical revigorant. Cela avait l’effet puissance mille de la boisson roborative. Ce qu’ils virent leur rendit le sourire : la boule de chaleur luisait dans les tréfonds du poulpe.

Ils s’approchèrent lentement, rampant sur les parois du poulpe. La graisse du mollusque suintait ce qui rendait l’avancée périlleuse. Ils s’agrippaient les uns aux autres pour réussir à progresser mètre par mètre. Plus ils se rapprochaient, plus les eaux glaciales se réchauffaient, plus ils se sentaient ivres de joie, plein de pulsoyance. Ils avancèrent la main, et dans un sursaut poignant, s’emparèrent de la boule de chaleur…

samedi 6 août 2011

Il était une fois - Chapitre 4

Dans leurs discussions, Petit Dom, Hermione et Harry avaient émis l’idée qu’il faudrait voyager pour détruire  Transvivant afin qu’Il cessa de leur nuire. Le placard à chaussure offrait une certaine sécurité, mais pas la moitié de chance de le supprimer d’une lance. Le placard à chaussure était un tant soi peu protégé grâce aux boucles de pensées chaleureuses dispensées par les dictaphones. Il s’agissait  de disposer des dictaphones tout autour de la pièce _plus la pièce est petite plus c’est facile, et nous pouvons dire, qu’avec le placard à chaussures c’était très facile !_, de vérifier les piles (à ne surtout pas oublier…), et de les mettre sur mode lecture. Des cassettes préalablement préparées ont été introduites dans les appareils. Il s’agit d’ultrasons émettant en permanence des pensées sources de chaleur. Ainsi, si Asprasse ou Transvivant approchaient, ils pouvaient être pris dans les boucles, laissant le temps aux trois amis de trouver une solution pour ne pas perdre de l’être les sillons.

Ainsi, les dictaphones devraient être du voyage. Voilage des bris-des-âge, ils seraient leur premier outil de diversion, celui qui dit et rappelle la version vers les sillons de l’être. Être hêtre de peu, voilà une bien difficile tâche. Petit Dom s’endormit près de ses amis dans le placard à chaussures. Ils avaient veillé tard pour mettre en place un plan contre Transvivant ; le premier endroit où ils seraient menés était un lac d’une profondeur infinie, plein de créatures plus terrifiantes les unes que les autres, refuge sans fond des serviteurs de Transvivant. En droit, ils seraient à l’envers du jour, se faisant troubadour dans les pourtours du temps alléchant ; allez les méchants, tenez-vous au devant, tourne le vent.

Hermione avait mis dans son sac (à extension indétectable) toutes sortes de choses dont ils pourraient avoir besoin : des cartes et parchemins, des piles de rechange pour les dictaphones, des plumes de chouettes et des queues de rat pour les potentielles potions à préparer, des boissons roboratives, de la poudre de quintessence vitale qui ramène des pensées chaleureuses quand tout se glace autour de soi, la cape d’invisibilité de Petit Dom, des livres, beaucoup de livres, le grimoire, et nous arrêterons la liste ici pour ne pas prendre la place de toute l’histoire.

Personne n’était au courant du coup qui rend le voyage moins terrorisant. A vrai dire, à dire vrai, personne ne savait qu’ils entreprenaient un voyage dans le bris-des-âges pour sauver le transgénérationnel, pour retrouver et recoller des parcelles de vie, pour réchauffer les âmes happées par le froid glacial et meurtrier de Transvivant. De toute façon personne n’aurait cru en leurs histoires, à Leur Histoire ; chacun en trouvait à dire, quel délire !, sans savoir que dé-lire c’est remonter l’histoire afin de lire à l’envers et y retrouver un sens pour s’accrocher malgré tout à un brin de vie, à un trans-lien humain. Lorsque Transvivant dé-lie, il s’agit de dé-lirer pour ne pas suffoquer, pour organiser les pensées en un sens qui tienne, sienne.

Petit Dom se réveilla au petit matin, clarté de la cécité assombrie brille de milles éclats orangés, l’astre solaire faisant la paire avec l’astre lunaire, cohabitation éphémère à nos yeux trop peu exercés à croire en l’invisible, sur la bible de la vie assainie. Il réveilla ses compagnons. Chacun but un peu de boisson roborative pour se réveiller sur le bon pied, et à cloche-pied s’en allèrent trouver une humeur plus sereine.

Petit Dom, Harry et Hermione ne donnèrent la main, et dans un éclair blanc transplanèrent au petit matin. En arrivant près du lac, l’air se fit glacial. Ils commencèrent par lancer tous les sortilèges de protection qu’il connaissaient autour d’eux, et ils firent en hâte la boucle de protection des dictaphones. Ils allumèrent ensuite un feu au milieu de la tente ininflammable et se lovèrent les uns contre les autres pour ne pas perdre la chaleur de leur corps. Le paysage était désertique. Des monceaux  de ferraille trainaient ici et là. Des os humains encore baignés de leur chaire sanglante jonchaient le sol. Un souffle glacé abrasait les monticules de cuticules arrachés un à un à leurs compatriotes humains. Au centre de ce paysage apocalyptique trônait le lac sans fond aux tréfonds.

Un brouillard se manifestait et s’enroulait autour de toute chose, comme pour les asphyxier. Hermione, dans la pénombre, se saisit de la torche incandescente et éclaira tout autour d’elle. Des fresques se dessinaient dans le brouillard. Nébuleux dessins, dans la vasque, ils ordonnaient de montrer son firman. Ô loin le firmament qui berçait les enfants, les voilà pris dans les grigris de l’enfer pour en faire un masque de fer. Les échos de leurs voix s’émiettaient. Le laissez-passer à montrer pour pouvoir décoder les fresques endiablées, était ce masque de fer. Mais comment Petit Dom, Hermione et Harry allaient-ils pouvoir le trouver ?

Ils comprirent rapidement qu’ils allaient devoir fabriquer le firman. Ils saisirent vivement dans le plus profond de leur chaire qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de fabriquer de leurs regards le masque de fer. Ils devaient se plonger dans le regard, miroir, de l’autre pour en extraire le point où toute différence est abolie dans un cercle infini, pâte informe. Ils se regardèrent, dans un regard qui se perd, qui se perd dans l’autre, l’Autre indifférenciable. Ils se sentirent se diluer dans un cri infini, les choses se mirent à tourner de plus en plus vite autour d’eux, insoutenable vision des corps qui s’écartèlent, sang s’épanchant dans de terrifiants tourments, Hadès guettant l’inceste des esprits pour que tout soit anéanti. Ce qu’ils virent leur imposa le martyre ; ils avaient fabriqué le masque de fer qui leur servait de laissez-passer pour pouvoir, les fresques, décodées. Des légions de dragons, tels Asprasse, gelaient chaque chose, chaque parcelle d’être humain, des guerres effroyables éclataient dans toutes les contrées du monde, des viols se perpétuaient, des bombes nucléaires explosaient anéantissant toute vie, des morceaux de corps volaient, des enfants étaient arrachés à leurs mères encore enceintes, des monstres marins faisaient jaillir leurs tentacules qui s’accrochaient aux jambes des navigants pour les entraîner dans les tréfonds sans fonds, des monstres terriens écrasaient la moindre cellule du corps dans le dé-corps… Des atrocités qui anéantissaient l’humanité.

Le plus grave de ces monstruosités résidait dans le fait qu’elles anéantissaient tout espoir, tout lien humain, toute accroche à la vie. C’était le monde que cherchait Transvivant. Un monde sans pensées, sans émotions, un monde vide, où il pourrait régner en maître. Il fallut des sommes considérables d’énergie à Petit Dom, Hermione et Harry pour se sortir de ce pétrin infini. Pour revenir au creux chaleureux de la tente, ils durent s’emparer du couteau, et dans un geste qui cisaille, sur le corps se faire des entailles. Profondes zébrures qui les ramenaient dans leur corps. Profondes zébrures qui faisaient couler le sang, versé pour affaiblir les justes.

C’est Hermione que revint au monde la première, au monde de la tente disons, parce qu’il lui était alors impossible de savoir quel monde était le vrai. Le monde de Transvivant, celui qu’ils avaient vu dans les fresques nébuleuses, lui paraissait, leur paraissait à tous trois, plus réel que n’importe quelle autre chose. Et non pas seulement parce qu’ils venaient de le voir, mais parce que Transvivant ôtait tout espoir en la vie, faisait régner le mortifère, et faisait percevoir le monde en tant que pure image éphémère et dérisoire. Ainsi, l’espoir perdu, il ne restait plus qu’à choir dans les limbes tristes et austères.

Petit Dom et Harry suivirent Hermione presque instantanément. Il se retrouvèrent tous trois dans la tente, et discutèrent jusqu’à une heure tardive pour renouer avec une ambiance chaleureuse. Peu à peu leurs corps se réchauffèrent, leurs plaies arrêtèrent de suinter, et il burent une boisson roborative pour se redonner de l’espoir. Leur amitié était le meilleur remède contre le monde de Transvivant. Leurs corps se rencontrèrent, et ils se prirent tous dans les bras les uns des autres, et dans une intensité amicale, ils retrouvèrent les sillons de l’être.