mercredi 31 août 2011

Il était une fois - Chapitre 6


Ils s’emparèrent de la boule de chaleur. A peine eurent-ils posé la main sur elle que tout se mit à tourbillonner, les images se télescopaient, les paysages changeaient de forme, celui du lac aux tréfonds sans fond se dissipait, laissant place à un panorama maritime paisible.  L’eau glaciale se transformait en océan turquoise bordé d’arbres côtiers ; il faisait bon y plonger. Le soleil enveloppait nos trois amis de ses rayons enjoués, orangés, rangées du haut de leur sphère, atmosphère détendue et conviviale, tellement loin d’être triviale après leurs mésaventures, la verdure les accueillait des ses milles attraits. Ils s’assirent au creux d’un arbre, et la luminosité de fin de journée flamboyait à travers la ramure de verdure, éclairant des endroits habituellement plongés dans la solitude. En effet, l’inclinaison de l’astre solaire faisait que des creux se trouvaient illuminés en début de soirée. La lumière projetait son bien-être sur ce et ceux qui l’entouraient. Cette luminosité en creux réchauffait les parties gelées de leur être. Comme les endroits naturels en excavation, des parties de leur êtres restaient sombre et mélancoliques. Ainsi, de sentir la luminosité les inonder apaisait leurs souffrances. Chacun a en lui une parte d’ombre et une part de luminosité ; ce qui compte est celle qu’on décide de transcrire dans ses actes, pacte solennel.

Et nos trois compagnons avaient choisi, nous le savons, la part de lumière. En retrouvant cette boule de chaleur, ils avaient détruit une part de l’âme de Transvivant. Ils avaient détruit le lac aux tréfonds sans fond. Seulement il en restait encore d’autres. Sans doute deux autres. Parce qu’il avait fallu à Transvivant trois générations pour anéantir toute intériorité, toute pensée émotive. Trois morceaux d’âme arrachés pour éviter de ressentir les choses. Trois meurtres de génération pour anéantir toute pulsoyance.

Petit Dom, Harry et Hermione se regardaient avec contentement. Ils avaient réussi cette effroyable mission. Ils décidèrent de prendre un peu de bon temps avant de s’engouffrer dans la deuxième béance rance. Il fallait qu’ils redonnent de la force à leur animal de pouvoir. Ils burent de la potion roborative, trinquèrent à la mal-santé de Transvivant, et s’entraînèrent dans un fou rire communicatif. Ils riaient tellement qu’on ne voyait plus le début ni la fin de l’éclat, les voix se mêlaient, les souffles hoquetaient en rythmes déployés, leurs corps ployés par l’ivresse de vivre se balançaient dans une lancée sans animosité, toute  morosité quittant leurs regards vifs et clairvoyants, riant du clair hirsute dans la hutte. Cette joie généralisée leur redonnaient un espace de vie.

En effet, Transvivant cherchait à tout prix à forclore la vie. Ils mettaient ses proies sur le fil, funambule dans sa bulle. Le fil entre la vie et la mort. Rien n’échappait à la règle, le drame était imminent tout le temps. Tout reflétait la mort, tout rappelait sans cesse que la vie tue. L’illusion du familier, ce voile qui vous entoure et protège un espace de vie qui fait que l’on s’épanouit, était déchiquetée. Le Réel absolu flagellait de ses tentacules la moindre once de vie. Par exemple, Petit Dom ne pouvait faire un pas sans que la pensée qu’il allait mourir, que ceux qu’ils aimaient alors être tués, qu’un drame imminent se préparait, ne lui taraude l’esprit, sans que cette pensée ne s’impose si fortement dans sa tête qu’il en devenait absurde de l’écarter et de ne pas la craindre. Ainsi, tout devenait une épreuve, le moindre mouvement menaçait de tout faire basculer. Transvivant rodait dans chaque souffle, dans chaque infime mouvement.

La mort n’était pas en soi le fait le plus terrible malgré sa toute-puissance. Ce qui était effroyable était la séparation. La « sait-pas-ration » saisit la ration de vie, on ne sait plus quelle est la ration qui mène à la vie. Rationner la vie, voilà ce que Transvivant menait comme combat. La vie le dégoûtait ; il avait tellement souffert qu’il haïssait cette vie émotionnelle. « Cépage-ration », sur la page le rat de la mort explose les sillons de l’être, la vigne se tarit, la séparation guette sa proie. Ne plus laisser le moindre doute sur l’absolue solitude qui, jusqu’à la moelle, s’insinue. La séparation c’est ce qui arrache des bouts de corps. La séparation est ce qui dissocie de l’être les sillons.

Petit Dom, Harry et Hermione étaient tout à leur réflexion quand le vent se leva. Le souffle de Transvivant. La nature même semblait changée. Les images du paysage étaient les mêmes, mais leur quintessence était transformée. La moindre châtaigne tombant du ciel saigne de leurs veines. Vaines tergiversations, la mort se rappelait de partout. La moindre feuille tombant au sol signifiait la mort. Signes par milliers d’une hécatombe mortuaire. Ce qu’ils trouvaient magnifiques quelques secondes auparavant devenait effrayant.

Le paysage ne changeait pas en apparence, mais son essence devenait lourde et oppressante. Soudain ils aperçurent des ombres qui rôdaient, qui hantaient les alentours. Tour à tour ils se regardèrent et ne purent voir leurs regards respectifs tant les ombres s’y reflétaient. Quand ils essayèrent de parler, la brume glaciale des ombres stoppa leurs paroles ; ou plutôt leurs paroles furent happées par la brume glaciale, comme engluées dans les milles et uns méandres de la nébulosité. Ils tentèrent de se toucher, pour ne pas perdre le contact avec les autres ; il sembla d’abord qu’ils réussirent ; cependant, ils s’aperçurent prestement que le contact resta froid et insensible. Et en effet, une fine couche de brume les enveloppait et empêchait tout contact chaleureux et humain entre eux. Ils étaient séparés par les ombres, engloutis dans des excavations brouillardeuses, isolés absolument…

Les ombres sombres se mouvaient dans un silence figé, un de ces silences qui vous liquéfie jusqu’aux os. Ose ! se disaient les trois amis. Mais rien ne voulait sortir de ce silence glacé, morbide, à-vide. C’était une béance rance qui s’ouvrait autour d’eux. Un trou de ver qui déformait l’espace et le temps, faisant apparaître des spectres des générations passées. Parce que les ombres étaient en réalité des fantômes au dômes incertains. Ceux-ci avaient eu une blessure durant leur vie, une blessure tellement importante, qu’ils n’avaient pas pu quitter la Terre. Et plus précisément Transvivant ravivait cette blessure et se délectait de ces souffrances. Il les empêchaient de partir. Ainsi, les spectres cherchaient à se brancher sur les vivants dans la transgénérationnel pour assouvir leur soif de vie, de réconfort. Ils transvivaient à travers les vivants, cherchant désespérément un soulagement à leur blessure béante, bé-hante.

Petit Dom, Harry et Hermione se faisaient littéralement happés par les spectres. Toute leur substance vitale se voyait sustenter les ombres. Chacun était éperdument seul. Ils n’arrivaient plus à contacter de souvenirs heureux. Il semblait que les fantômes s’en nourrissaient, ne laissant plus qu’un sentiment de mort, et pire, de séparation. Les trois amis s’enfonçaient de plus en plus dans le marasme, des spasmes leur étreignant le corps en dé-corps. Le sang se figeait dans cette brume glacée. Le cœur ne battait plus qu’à un rythme très lent. L’an de la souffrance était déclaré.

Petit Dom tenta de penser à des souvenirs heureux, mais rien n’y faisait. C’est alors qu’un oiseau de pouvoir, un phénix pour être précis, jaillit dans le ciel brumeux. De le voir donna un soubresaut d’espoir à nos trois compagnons. Les ombres reculèrent alors de quelques mètres, suffisamment pour que les trois amis se ressaisissent. Les ombres furent attirées vers le phénix. On voyait son pelage perdre de ses couleurs, ses plumes tomber, son chant devenir lugubre… Il se faisait happer par les spectres. Les trois amis eurent à peine le temps de se prendre la main pour fuir que les ombres finissait  de tuer le phénix. Au moment où ils transplanèrent, ils virent le phénix renaître de ses cendres et s’envoler bien loin du monde des ombres.

Les ombres les poursuivaient dans une course effrénée. Alors ils pensèrent à des souvenirs heureux, à leur amitié. Une lumière jaillit de leurs baguettes, et forma une boule de vie. Ils l’attrapèrent prestement….   

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