C’est moche comme un coup de pioche ; le corps, humaine torche, disparaît dans un crissement de glace, putride mélasse. La beauté du bleuté glacé n’est qu’un leurre, malfaisante erreur. De fait la glace happe et déchiquète en multitudes de miettes. Ça tord, ça élance dans une gestuelle rance, le télescopage des Elles coupe net les ailes, et se retrouve, le corps, écartelé par le gel. Anémié, il coule en piqué vers un fond qui n’existe pas, vers une béance infinie, comme dans le cosmos agrandi. En extension perpétuelle est ce trou sans bout. Pas un seul bout de ficelle à laquelle faire que s’amoncèlent les miettes des Elles. L’eau gelée comprime le corps à l’en faire éclater. Derrière la glace, plus rien ne se passe, qu’une mort lente et qui hante. Une autre réalité s’établit dans la béance infinie où plus rien ne s’inscrit. Le temps passe à une seconde d’éternité sous la glace. Ceux qui sont de l’autre côté ne peuvent rien tenter que de regarder la petite trépasser. Les traits sont déformés dans une crispation gelée. Bloquée à jamais dans cette prison glacée, la petite est malmenée. Les autres _à part quelques proches_ croient qu’elle nage, béate. Cependant, gelant, elle coule à l’infini, sans un bruit, imminence mortifère. Elle ne peut rien faire, rien en expliquer, son cerveau plein de rides est pourtant vide. Elle ne peut pas en communiquer quoi que ce soit, sans tomber sur des négations aux abois. Seules pour quelques personnes les courbures lettrées, à leur tête, sonnent. Ça fait du bien d’être entendue quand le fil tendu menace de se rompre, funambule dans sa bulle.
Ecartelé entre deux réalités parallèles, le corps ne peut goûter, de la vie, le miel. Diverses dimensions énergétiques l’aspirent comme des tiques. Tous les beaux morceaux du Réel partent en lambeaux. Le sceau du gardien des lettres a explosé dans l’eau. Plus rien ne s’inscrit, les mots sont perdus dans les maux ; du paire, il ne reste rien. Il faut trouver des formules alambiquées pour pouvoir, ce qui se passe, expliquer. L’asprasse menace dans un tour de passe-passe. Peut-être la petite est-elle la réincarnation d’une parenté fidèle ? Peut-être vient-elle d’une autre dimension, et en perd de l’être les sions.
Des yeux bleutés comme la glace gelée. Une bouche droite comme la neutralité moite. Un nez rougi, par la glace, affaibli. Mais surtout, entre tout, des antennes ultrasensibles qui attirent comme une bible. Toutes les énergies, conscientes ou inconscientes, terrestres ou de l’au-delà, sont captées dans leur nid. Trop de stimuli s’entortillent dans le pauvre cagibi. Comme un torrent pris par le vent, comme une tornade prise en torsade, comme un orage pris en bris-âges. Anacoluthes qui percutent, le cerveau est pris en étau, menace d’échafaud.
Gelée de glace prise en asprasse, la petite, au bord du gouffre, souffre d’une béance sans fond, dans laquelle sa disparition ne laisserait pas l’ombre d’un sillon ; la représentation du monde adulte est un trou en effroi, gelure infinie du froid. Le gardien des lettres massacré, plus rien ne peut être crié. C’est le chaos, elle s’enfonce inexorablement dans l’eau.