mardi 8 février 2011

Tremblement du funambule

Au loin, un tremblement. Meuble la terre qui gronde, meuglent les cellules qui pullulent. Au loin, un tremblement. Tremplin qui ment, le zinzin est face à soi dans un déchirant effroi. Tout est calme, d’un silence lugubre, sans anse de sens. Trop tranquille pour que l’île de l’être ne soit pas aux abois. Tout est calme, au loin, seulement, un tremblement. La vie est sur le fil, et plus rien ne babille ; le gardien des lettres a été massacré, plus rien ne peut être murmuré. Seul ce sourd tremblement, au loin, dans un coin de la tête. Les mirettes perdent éclat, elles suffoquent dans un bruit de troc. Mais la réalité tient la marée dans ce tremblement suffoqué. Le funambule est encore dans sa bulle.
Tout près, le tremblement. Le troc est impensable, tas de sable qui se dissout dans la panse de l’enfer. Enferré dans cette réalité, le soi perd peu à peu le sens de la quintessence. Anacoluthes qui percutent, lames aiguisées prêtes à lacérer, les liens sont éclatés dans une sourde nuée. Le tremblement se fait plus présent, plus violent. Viol des dimensions énergétiques, tiques suceuses de vie à-vide. Impensable dilemme entre l’envie de se jeter par la vitre tissée et l’avenir d’une position adulte qui ferait perdre de l’être les sions. Tout près, un tremblement. Le calme était trop calme ; le voile s’est déchiré sur d’autres réalités. Connaissez-vous ce silence mortifère qui précède les catastrophes en apostrophe ? Strophe jouée, comme gain gagné, la vie en sursis. Le funambule se voit ballotté des tous les côtés, au risque de tomber.
Au-dedans, le tremblement. La tête explose pour qui ose encore lever les yeux vitreux ; l’asprasse terrasse dans un tout de passe-passe. Tout s’emmêle, pêle-mêle, dans le télescopage des Elles. Indicibles sont les maux qui traversent les courbures lettrées. Au gré des courants du tremblement, la chaire se déchiquète en miettes de sang coagulant ; le rouge sanglant s’étale dans le vent ; le tremblement s’empare de chaque cellule pour la rendre à néant ; les os craquent et se diluent en gouttes d’eau noirâtre. Opiniâtre, le corps tend à rester entier dans cette inhumanité. Le funambule choit dans une béance infinie et rance.
Le tremblement est partout. La vérité diaphane ne peut pas être passée sous silence. Chaque situation de la vie quotidienne est prise de cette haine. Chaque situation menace de l’être les sions. A chaque seconde, le tremblement peut retentir et venir broyer les repères qui donnent un semblant de paisibilité et d’assurance à l’anse de sens. A chaque moment, le tremblement peut faire éclater notre pauvre petite réalité. A chaque minute, notre pauvre enveloppe disloquée peut se voir déchiquetée. Imaginez un voile autour de vous qui rend la vie compréhensible et tangible ; si le tremblement vient s’y percuter, tout vol en éclats, aux abois, vous n’avez plus aucun repères. Plus de paires à qui communiquer cette insinueuse souffrance qui vous pense, plus de sas en soi pour savoir qu’on existe, pour savoir ce qui existe, plus même un kyste de sens auquel raccrocher une quintessence. Votre qualité d’hapax se dilue sans relaxe. Vous devenez une somme de morceaux de chaires qui se meuvent à l’air, vous devenez aussi instable qu’un gaz, vous n’êtes plus qu’un amas de particules qui pullulent. Au loin, le tremblement, tout près, le tremblement, au-dedans, le tremblement. A chaque instant, le fil du funambule peut être coupé, et le faire tomber sans fin dans une béance sans fond.

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