samedi 23 octobre 2010

présentation

Préface

On m’a diagnostiqué une dépression et surtout un fonctionnement psychotique.
On ne sait comment ça arrive, à partir d’un moment[1], tout semble différent, le voile du familier qui entoure chacun se déchire, se broie, et la réalité semble crue, toute nue. L’image des choses n’a pas changé, et pourtant l’énergie qui s’en dégage n’est plus du tout la même. Les choses de la réalité sont transformées de l’intérieur. On a peur, tout devient menaçant dans son étrangeté.
En fait, on ressent la seconde réalité parallèle qui était cachée par le voile du familier ; ce-dernier s’étant déchiré, le seconde réalité vient parasiter la première. La première, celle que tout le monde perçoit, apparaît n’être qu’un voile d’illusions, illusions certes, mais qui donne cependant un sentiment de familier ; en ce sens on se retrouve dans un monde étranger, étrange. On se retrouve en équilibre entre deux réalités : celle que tout le monde partage (mais qui apparaît dès lors comme pure illusion) et la réalité parallèle.
Cette seconde réalité montre le monde d’une façon infinie, absolue. On capte les énergies des choses, comme quelqu’un qui serait écorché vif. On ressent ce que cache les paroles des autres : on sent ce qu’ils disent au-delà des mots, c'est-à-dire qu’ils peuvent dire quelque chose avec des mots, et transmettre tout autre chose derrière leurs phrases. On ressent comme une autre dimension énergétique en quelques sortes.
Ainsi, on se retrouve en décalage avec les gens, et face à un flots de stimuli qu’on n’arrive plus à intégrer. On est face à un nouveau langage dont on n’a pas le code. On se sent seul, parce que ce qu’on vit est indicible, et personne ne comprend. Et pourtant on aurait tant besoin d’être entendu ! Et puis on a du mal à trouver un flux de contact normal avec les autres ; rien n’est plus naturel. C’est comme si tout était passé de l’automatique au manuel. On vit comme à côté de soi-même, on n’arrive plus à être présent dans son corps naturellement. On devient à la fois une marionnette dont les ficelles sont tirées par des énergies extérieures, et la personne qui observe le spectacle derrière une vitre sans rien pouvoir faire.
Il a fallu du temps pour réussir à mettre cela en mots. Une chose m’a beaucoup aidé : l’écriture. En m’offrant une possibilité d’exprimer ce que je ressens par des jeux poétiques, cela dégageait un espace où je peux exister, un espace où les deux réalités s’unifient, où le moment présent peut exister. Ce que vous allez lire par la suite est un recueil de ces textes poétiques qui décrivent, du mieux que j’ai pu, mon expérience psychotique.  Les textes ne sont pas à lire en essayant de comprendre mot-à-mot, mais plutôt en se laissant habiter par l’atmosphère qu’ils tentent de partager, par les questionnements qu’ils tentent de poser, par le vécu d’une expérience psychotique qu’ils tentent de communiquer. En espérant que ces textes seront partageables avec vous, pour redonner sens à mon existence.
NB : La plupart de ces textes ont été écrits lors de mon hospitalisation en clinique psychiatrique. Vous trouverez donc des références à ce moment bien particulier.

Comment exister ?

Moments de vide-à-vide. L’absence de choses à faire pose le non-sens, l’anse de sens s’émiette. Le fil du temps se coupe et la houppe s’effondre. La fronde de l’asprasse tourne et terrasse. L’espace fluctue et plein rien ne s’inscrit. Le cri du Réel s’infiltre dans l’oreille. La corbeille contenante du familier est toutisée, séance tenante. Le corps se dilue dans cet uberlu fondu.
L’endroit importe peu puisque les limites des choses s’effondrent. Dans ce vide-à-vide, on est confronté à ce soi qui n’est rien, à ce non-espace, à ce néant qui écrase les pans du familier. Quand on est avec autrui, les bruits donnent l’illusion que l’être a des sions ; mais la séparation n’en révèle que la contradiction. L’existant est emporté au vent de la présence d’autrui. Son absence perd l’anse de sens, on est dans l’infini du Réel, toxique fiel. Seul l’autre prolixe nous donne le sentiment de l’existant. Sa présence fait tenir face au Réel des tirs. Sans l’autre, on est inexistant. On est confronté au vide sans rides, lisse, plongeant dans le néant avide, glisse. Là où devrait être une présence, un désir, se perd l’anse de sens. Même partir et fuir ne peuvent être loisirs, puisqu’on naît ce vide-à-vide. On est la proie des énergies aux abois. Comment tenir sans désir, sans possibilité de fuir ?
Le prisme de l’écriture semble être une piste contre cette torture. Elle encre le corps, le modèle par tenons et maillets, de la plume des courbures lettrées. Elle est une aide dans la lutte incessante contre le désêtre.
L’existant est dans la présence d’autrui, mais en même temps ce-dernier envahit ; il envahit parce qu’on est rien et que notre espace ne tient pas face au sien. ‘’Sien-dent’’, il déchique sous sa dent, par et dans sa présence.
Le problème reste donc entier : comment exister ?





[1] Pour ma part, tout a commencé à 16 ans, avec un rééquilibrage jusqu’à mes 24 ans, grâce au suivi avec une psychologue, et grâce à certaines personnes avec qui je pouvais me confondre (m’appuyer sur elles jusqu’à devenir une partie d’elles) ; de fait, ça me tenait debout.

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